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Hommage à Jean Nallit

Publié le 15 mai 2023

Le 8 mai 2023, le général (2s) Philippe Lafond, président du comité du Beaujolais de la Légion d'honneur et du Souvenir Français pour le canton d'Anse, a participé à deux commémorations. La première à Anse, la deuxième à Pommiers .

La commémoration d'Anse a consisté en un défilé partant de la mairie, une première halte pour rendre hommage aux morts pour la France de la guerre de 14/18, elle s'est poursuivie par une cérémonie dédiée à Jean Nallit, grand-croix de la Légion d'honneur, dans la cour d'honneur du château des anciens combattants de l'EHPAD Michel Lamy à Anse,  Elle s'est terminée par un hommage aux morts pour la France de la guerre de 39/45. A noter les jeunes porte-drapeau qui ont œuvré durant cette commémoration.

Extraits du discours prononcé le 08 mai 2023 par le général (2s) Philippe Lafond  en hommage au grand résistant Jean Nallit.

Le 08 mai 1945, jour de la proclamation de la victoire des Alliés et de la fin de la guerre, la France était en liesse. Bien loin de son pays un jeune homme de 22 ans sortait de l’abîme dans lequel l’avait plongé les horreurs de la guerre et des camps « nazi ». Ce jeune homme c’était vous Jean Nallit.

Vous êtes né le 14 septembre 1923 à Lyon dans une famille où le mot « patrie » avait un sens, celui des sacrifices consentis pour la liberté par votre père, grand invalide de la Première guerre mondiale. 

Alors quand la guerre a éclaté et que vint la débâcle vous bruliez de participer aux combats. A peine âgé de 17 ans, vous avez rejoint la résistance, sollicité par plusieurs de vos camarades de la centrale thermique de la Compagnie du gaz où vous travailliez alors comme tourneur-ajusteur. Vous rejoignez le Réseau Charette. Votre dévouement et votre courage ont vite été remarqués et l’on vous confie une partie de la fabrication des faux papiers destinés à l'évasion des prisonniers de guerre français. Ce ne sont pas moins de 30 000 faux papiers que vous avez contribués à fabriquer en trois ans, au moins 300 pour des évasions juives mais des milliers pour protéger des femmes et des hommes et permettre à tant de résistants d’agir.

GRATIEN, votre nom de résistant, fit aussi sauter quinze trains de permissionnaires allemands, surveillait les mouvements des péniches, cachait des clandestins dans les maquis lyonnais. En mars 1944 l'étau de la Gestapo se fit plus menaçant et vous êtes tombés dans une embuscade allemande. Commencèrent alors d’épouvantables séances de torture dans les caves de la Gestapo, dans les sous-sols de l'Ecole de Santé des Armées de Lyon, là même où l'année précédente Jean MOULIN avait été supplicié. Sous les gifles, les coups de cravache, la torture de la baignoire, il vous fallait tenir. Et vous avez tenu. Grâce à votre silence héroïque aucun membre de votre réseau n'a été inquiété. Mais à quel prix? Vos plaies étaient si profondes que pendant près de 6 mois vous n'avez pas pu vous asseoir. 

Vous passez ensuite de la prison au camp de transit de Royallieu à Compiègne. Puis un matin on vous entasse à 120 par wagon dans un train de marchandises. Quatre jours, quatre nuits, passent sans manger ni boire. Au matin du cinquième jour dix personnes sont mortes. La porte du wagon s'ouvre dans les aboiements des chiens, les cris des SS sur une plaine hérissée de baraquements et de barbelés. C'était Buchenwald. Malgré le printemps, le sol est enneigé et vous êtes intégralement nus. Vous êtes empoigné, rasé, désinfecté, habillé de vêtements rayés, immatriculé. Vous n'êtes plus Jean NALLIT, vous êtes le numéro 49 839. Vous dormiez à deux sur une couchette de planche dans les lits superposés sans paillasse, dévorés par les poux et par la faim. Vous étiez levé à 4h du matin pour des heures d’appel, armes et projecteurs de mirador braqués sur vous. Après avoir cassé des pierres, vous fabriquiez des pièces d’avion en usine 12h par jour. Vous n’aviez pour toute la journée qu’un café fait d’orge grillé, une tranche de pain, une soupe claire de rutabaga. En avril 1945, fuyant devant la double avancée russe et américaine, les SS embarquent votre commando dans une longue marche avec l’intention de vous noyer. Vous ne mangiez plus alors que des rutabagas crus et, à la faim s'ajoutaient le froid, la fatigue, le désespoir, les hommes tombés les uns après les autres. Le plus dur, avez-vous dit, était d'être en fin de colonne, parce que l'herbe du bord des chemins était déjà mangée. Ironie du destin, c’est le 8 mai 1945, après douze mois de camp, après 900 kilomètres de marche, que trois américains en Jeep libéraient quelques centaines de survivants faméliques qui étaient parvenus jusqu'aux environs de Lübeck, tout près de leur destination finale. Sur les 5000 prisonniers enrôlés dans ce  funeste voyage, 500 survécurent. Vous n’étiez plus qu’un squelette chancelant. Votre propre mère n'a pas reconnu son fils. Vous aviez 22 ans et vous pesiez 38 kilos. 

Revenu au monde de la vie, il a fallu vous réintégrer dans une société qui avait continué à vivre sans vous. Votre existence même dérangeait. Vous étiez le visage d'un passé qu'on ne voulait plus voir, les uns pour des raisons coupables et les autres tout simplement parce qu’ils essayaient d'oublier. Alors cela allait devenir votre nouveau combat, vous faire le passeur de ce passé, le dire, le raconter, le faire connaître et reconnaître, ne pas vous taire, pour tous ces frères d'armes qui étaient tombés. Ce combat vous l’avez conduit avec votre épouse, elle aussi héroïne de la résistance. 

Vous avez continué une carrière de contremaître chez GDF. Pendant 30 ans, vous avez présidé le Souvenir français de Caluire-et-Cuire. Particulièrement attentif à la transmission auprès des jeunes générations, vous avez contribué avec votre épouse, à créer à Lyon le concours de la Résistance et de la déportation. Vous vous êtes rendus, chaque jeudi, au Centre d'histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon, aux différents musées et mémoriaux, pour témoigner devant les enfants des écoles : 130 000 d'entre eux vous ont entendu parler. Vous avez également, en 2003, publié vos mémoires. En sentinelle vigilante, vous avez, monté la garde autour de nos valeurs républicaines pour que jamais personne ne revive votre calvaire. C'est pour tout cela qu'après avoir été médaillé de la Résistance en 1947, vous avez reçu, en 1992, le titre de Juste parmi les nations. En 2019 la plus haute distinction de la République française vous a été remise par le président de la République qui vous a élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. 

Cher Monsieur Jean NALLIT, les personnes rassemblées aujourd’hui autour de nos trois couleurs dans la cour de la maison des anciens combattants vous expriment leur admiration, vous témoignent leur profonde reconnaissance et vous assurent de leur immense gratitude. 

08 mai 2023

Jean Nallit  a retranscrit son parcours dans un livre : Renseignements et faux papiers. Mon parcours de résistant de Lyon au camp de Buchenwald

 

La deuxième commémoration s'est déroulée à Pommiers, avec là aussi un défilé depuis la place du 8 mai 1945, vers le monument aux morts du village. Au cours de cette cérémonie, les porte drapeaux titulaires, ont repris leur place. Merci à Roger Vogel et à Georges Besacier pour leur dévouement.